- octobre 6, 2025
- Envoyé par : marcbernard
- Catégorie: Astuces

L’illusion du bénéfice et la réalité du cash
“Félicitations, votre compte de résultat montre un bénéfice de 50 000 € cette année !” annonce fièrement l’expert-comptable. Le dirigeant déchante rapidement en regardant son compte en banque : “-10 000 €”. Comment est-ce possible ? Cette situation, loin d’être une exception, est l’une des incompréhensions les plus dangereuses dans le monde de l’entrepreneuriat. Elle illustre parfaitement la différence cruciale entre la rentabilité et la trésorerie.
Dans le langage courant, la trésorerie est souvent réduite à “l’argent qu’il y a sur le compte”. Si cette vision n’est pas fausse, elle est dramatiquement incomplète. La trésorerie est bien plus qu’un simple solde ; elle est le système sanguin de votre entreprise. C’est le flux qui nourrit chaque organe, des salaires aux investissements, et sans lequel même l’entreprise la plus “musclée” sur le papier (la plus rentable) ne peut survivre.
Cet article a pour but de démystifier en profondeur ce qu’est la trésorerie. Nous allons passer de la définition de base à sa dimension stratégique, en décortiquant la différence fondamentale avec le bénéfice et en explorant les différents flux qui la composent. Comprendre la véritable nature de la trésorerie est la première compétence de tout dirigeant qui aspire à piloter son entreprise avec maîtrise et non à la subir.
Cette compréhension fondamentale est le point de départ de notre atelier Croissance Club du 9 octobre à Lannion de 9h30 à 17h30, un événement entièrement dédié à vous donner les outils pour maîtriser ce flux vital.
Définition formelle : les liquidités et la “Trésorerie Nette”
Commençons par une définition précise. La trésorerie d’une entreprise, également appelée “disponibilités”, représente l’ensemble des actifs liquides immédiatement mobilisables pour financer son activité.
Concrètement, cela inclut :
- Les soldes créditeurs des comptes bancaires : C’est la partie la plus évidente.
- Les fonds en caisse : L’argent liquide physique détenu par l’entreprise.
- Les Valeurs Mobilières de Placement (VMP) : Ce sont des placements financiers à très court terme, très liquides et peu risqués (comme des SICAV monétaires), que l’entreprise peut convertir en cash en quelques jours sans risque de perte en capital.
Ce qui n’est PAS de la trésorerie :
- Les créances clients (les factures que vous avez émises mais pas encore encaissées).
- Les stocks de marchandises ou de matières premières.
- Les immobilisations (machines, bâtiments, véhicules).
Pour avoir une vision encore plus juste, les financiers utilisent la notion de Trésorerie Nette. La formule est la suivante :
Trésorerie Nette = Fonds de Roulement (FR) – Besoin en Fonds de Roulement (BFR)
Sans entrer dans un cours de comptabilité complexe, voici ce que cela signifie en langage de dirigeant :
- Fonds de Roulement (FR) : C’est la part de vos ressources stables (capitaux propres, dettes à long terme) qui reste disponible pour financer l’exploitation, une fois que vos investissements à long terme (immobilisations) sont payés. C’est une sorte de “matelas de sécurité” financier.
- Besoin en Fonds de Roulement (BFR) : C’est le nerf de la guerre. Il représente le décalage de trésorerie permanent créé par votre cycle d’exploitation. C’est l’argent que vous devez avancer parce que vous payez vos fournisseurs et vos charges avant d’être payé par vos clients.
- BFR = Stocks + Créances Clients – Dettes Fournisseurs
La Trésorerie Nette est donc le résultat final.
- Si elle est positive, votre matelas de sécurité (FR) est suffisant pour couvrir votre besoin de financement du cycle d’exploitation (BFR). Vous disposez d’un excédent de cash.
- Si elle est négative, votre BFR est supérieur à vos ressources stables. Vous devez trouver des financements à court terme (comme le découvert bancaire) pour combler le trou. C’est une situation de tension permanente.
Le grand malentendu – Pourquoi le bénéfice n’est pas du cash
Revenons à notre dirigeant avec un bénéfice de 50 000 € et un compte en banque vide. Comment expliquer ce paradoxe ? La réponse tient en deux mots : comptabilité d’engagement.
La comptabilité qui sert à calculer votre bénéfice (le compte de résultat) est une comptabilité “d’engagement”. Elle enregistre les opérations au moment où elles sont juridiquement acquises, pas au moment où l’argent bouge.
- Une vente est enregistrée dès l’émission de la facture, même si le client paie 60 jours plus tard. Pour le compte de résultat, le chiffre d’affaires est fait. Pour la trésorerie, il ne se passera rien pendant 2 mois.
- L’achat d’une machine de 100 000 € n’impacte que très peu le bénéfice la première année. On va l’amortir, par exemple sur 5 ans. Le compte de résultat ne verra qu’une charge de 20 000 €. En revanche, votre trésorerie, elle, verra bien une sortie de 100 000 € (sauf si l’achat est financé par un prêt).
Le tableau de flux de trésorerie est le seul document comptable qui suit les mouvements réels d’argent (comptabilité de caisse). Il est le complément indispensable du compte de résultat et du bilan.
Exemple concret : L’artisan rentable qui dépose le bilan
- Un plombier signe un chantier de 30 000 €. Marge brute attendue : 10 000 € (donc très rentable).
- Mois 1 : Il achète pour 20 000 € de matériel. Il doit payer son fournisseur sous 30 jours. Sa trésorerie : -20 000 €.
- Mois 2 et 3 : Il réalise les travaux, paie ses charges sociales et son salaire. Disons -5 000 €. Sa trésorerie cumulée : -25 000 €.
- Fin du Mois 4 : Le client, satisfait, paie enfin la facture de 30 000 €.
- Bilan : Sur le papier, l’opération a généré 5 000 € de bénéfice (30k€ – 20k€ – 5k€). Mais pendant 4 mois, l’artisan a dû financer un trou de 25 000 €. S’il n’avait pas cette somme en réserve ou un découvert autorisé, il n’aurait pas pu payer son fournisseur et aurait déposé le bilan avant même de voir la couleur de l’argent de son client. Il serait mort en pleine santé (rentable).
Les trois visages du cashflow
Pour une analyse fine, on décompose les flux de trésorerie en trois catégories qui racontent l’histoire de l’entreprise.
- Le Flux de Trésorerie d’Exploitation (Operating Cash Flow) : C’est le plus important. Il représente le cash généré par l’activité principale de l’entreprise : vendre ses produits ou services. Un flux d’exploitation positivement et structurellement positif est le signe d’un modèle économique sain et durable. C’est le moteur de l’entreprise.
- Le Flux de Trésorerie d’Investissement (Investing Cash Flow) : Il retrace les entrées et sorties d’argent liées aux décisions d’investissement : achat ou vente de machines, de bâtiments, de logiciels, de titres de participation… Un flux d’investissement très négatif n’est pas forcément mauvais signe ; il peut signifier que l’entreprise investit massivement pour sa croissance future.
- Le Flux de Trésorerie de Financement (Financing Cash Flow) : Il montre comment l’entreprise se finance. Il inclut les augmentations de capital, les nouveaux emprunts (flux entrants) et les remboursements d’emprunts ou le versement de dividendes (flux sortants).
L’analyse combinée de ces trois flux est extrêmement riche. Une entreprise avec un flux d’exploitation négatif mais un flux de financement positif est une start-up qui “brûle du cash” pour se développer en étant financée par des investisseurs. Une entreprise mature avec un flux d’exploitation positif, un flux d’investissement stable et un flux de financement négatif est une entreprise qui génère assez de cash pour rembourser ses dettes et récompenser ses actionnaires.
De la compréhension à la maîtrise
Vous l’aurez compris, la trésorerie est bien plus qu’un solde en bas d’un relevé. C’est un concept dynamique, un flux qui irrigue ou asphyxie votre activité. La distinguer du bénéfice n’est pas une subtilité comptable, c’est une nécessité absolue pour tout dirigeant. C’est la différence entre piloter à vue dans le brouillard et naviguer avec un sonar et un GPS.
Maîtriser sa définition, comprendre comment elle se calcule via le BFR et analyser ses différentes composantes (exploitation, investissement, financement) sont les fondations d’une gestion financière saine et stratégique. C’est ce qui vous permettra de répondre aux questions vitales : “Puis-je investir ?”, “Dois-je recruter ?”, “Pouvons-nous survivre à une baisse d’activité ?”.
Cette compréhension théorique est indispensable, mais elle doit être complétée par la pratique. C’est pourquoi nous vous invitons à l’atelier Croissance Club du 9 octobre à Lannion dès 9h30. Nous y traduirons ces concepts en actions concrètes et en outils de pilotage simples, directement applicables à votre entreprise.